Quand le stade, le champ ou le pré se vide,
De ses spectateurs aux regards réjouis,
Je range mes fils, mes boites, mes acides,
Et repart chez moi sans le moindre bruit.
Chaque foi que j’en parle, les gens me sourient,
Et m’interrogent par curiosité,
« Ah quel passionnant, passionnant métier ! »
Mais je n’oublis pas que moi l’on m'oubli.
Seul sous mes fleurs, moi l’artificier,
J’aimerai tant comme elles pouvoir m’envoler.
Mais quand j’imagine, là sur l’herbe humide,
Les marmots qui de leurs yeux ébahis,
Regardent le ciel, et attendent avides,
La petite flammèche qui d’un coup jaillit,
D’où éclosent ces grandes fleurs de nuit,
Couvées par la toux d’un dieu enroué,
Quand je pense à leur peur et joie mêlées,
Tel un mage en coulisses je souris.
Seul sous mes fleurs, moi l’artificier,
J’aimerai tant comme elles pouvoir m’envoler.
Tout au fond du tonneau des Danaïdes,
Les artificiers de guerre sont enfouis,
Et à chaque mort, l’on peut voir leurs rides,
Se tendre, pensant à leurs moissons de vies.
Oh, l’inventeur de la poudre, quel oubli,
Aura-t-il manqué là de perpétrer,
Et moi je m’efforce de racheter,
Ceci qui tue, mais qui brille la nuit.
Seul sous mes fleurs, moi l’artificier,
J’aimerai tant comme elles pouvoir m’envoler.
Enfin, un jour, j’aurai trop alourdi,
La croupe d’Ouranos de bouquets fanés,
Le jardin d’un autre que l’on oubli,
Pour le regarder j’irai m’allonger.
Seuls sous ses fleurs, vieil artificier,
Je me ses vers elles en train de voler.